Là-bas, c'est où ? Là-bas, c'est au Gabon, qu'Éric Nonn a entrevu, qu'il a vu, le temps d'un séjour. Sans doute faut-il du cœur pour après Rimbaud, Gide, Leiris, Green écrire sur l'Afrique ; tant de mots puissants recouvrent son athlétique corps d'ébène. Nonn a du cœur, des yeux, un regard qui saisit des lieux, Lopé, Lambaréné, Libreville, un regard qui fixe des mouvements, des déplacements, une histoire, révèle un monde où s'abolissent les distinctions entre l'immanent et le transcendant.
   Là-bas est un exercice du regard, un regard métis, à l'écart du regard de ceux qui voient blanc (comme il est dit parfois que l'on voit rouge), ou qui ne voient plus, les anciens coloniaux, les étrangers, la plupart des visiteurs d'aujourd'hui.
   Là-bas est un exercice du regard, suivi d'écriture. Une écriture serrée, tendue vers la précision, le mot juste. Le mot juste, comme on dit un homme juste, un Juste qui garde de la mort, de la disparition, préserve de l'oubli cela qui y est promis, la terre des ancêtres, ou l'existence de petites filles, par exemple Djana, Léonie, dont Nonn écrit la vie, des petites filles qui sont d'avant l'écriture, d'un village hors d'écriture, presque mortes à une histoire, déjà de cette tribu nouvelle, celle de l'école, une tribu de cartables roses emplis d'histoires blanche, encore pourtant de ce monde du vin de palme, des pirogues sur le fleuve, ce monde d'un autre équilibre, ce monde agonisant, d'un équilibre opposé au libéralisme, à la concurrence, ce monde de petites filles patrimoine mondial de l'humanité – personne ne le dit, Nonn l'écrit.